lundi 15 décembre 2014

Les succès et les échecs 2014 - partie 1

 This article in english.

Le jardin dans le brouillard de septembre.


 Article similaire de l'année précédente:

Hélène:
C'est au début d'octobre que je commence à écrire cette article. Très tôt, n'est-ce pas? Mais la température m'indique déjà depuis un bout de temps que ça se terminera tôt cette année, peu importe les manigances utilisées pour allonger la saison. D'ailleurs, je suis chanceuse, moi, dans mon petit terrain fermé par une clôture en bois haute de 8 pieds, car le gel de nuit que presque tout le Québec a subi au milieu du mois de septembre n'a pas affecté mon jardin. Je n'ai rien couvert - j'ai appris la venue du gel à 9h00PM, trop tard pour aller prendre une quelconque mesure - et je n'ai même pas perdu mon basilic! Mais je sais que plusieurs jardins se sont fait couper le sifflet à ce moment-là. Triste.

Les grosses tomates sont des 
"Cosmonaute Volkov", les plus petites
sont les "Mini Roma" et mes habituelles
"Petits Moineaux" blanches. Les deux
premières ne reviendront pas dans
le jardin; elles ne produisent pas
beaucoup et ont tendance à faire des
fruits trop souvent abîmés. Volkov est
 délicieuse, par contre. La mini Roma
est très quelconque, malheureusement. 



Échecs:

Et donc, voici la raison du premier échec (autrement, la saison était superbe), les tomates. Bien que le gel n'ait pas entraîné la mort des plants de tomates, depuis le milieu du mois d'août, les nuits étaient trop fraîches, allant par moments sous 10 degrés centigrades, température limite pour la bonne croissance des tomates (et même, certaines sources mentionnent plutôt 12 degrés). 


Petite récolte de menthe, de citrouille "Sunshine" (hé oui, seulement qu'une) et de limes.
 Étrangement, ma menthe n'a pas bien fait; les feuilles se sont fait attaquer par le virus puccinia menthae qui cause la rouille de la menthe. Une explication pourrait être que l'arbre au côté de ma menthe, un cerisier noir, grandit et fait de plus en plus d'ombre, ce qui empêche, entre autres, l'évaporation efficace de l'eau de pluie, condition idéale dans laquelle le virus prolifère. Alors la récolte de menthe n'a pas été très bonne, ce qui est triste, puisqu'il s'agit de ma base de tisane préférée. 

J'ai eu bien peur ne pas avoir de fèves espagnoles cette année. J'ai planté une nouvelle variété de patates, qui sont placées devant mon obélisque sur laquelle une partie de mes fèves grimpent. Et bien, ces patates plantées en mai avaient tellement grandi en juin (le temps où je plante mes fèves) que ces dernières ne pouvaient tout simplement pas pousser au-dessus de la masse végétale déjà présente.
J'ai récolté quelques fèves bien séchées à chaque jour, de juillet à fin octobre. Voici "Scarlet Runner Bean" (noire et mauve) et "Jacob's Cattle" (blanche et rose). La grande absente est "Painted Lady", qui a succombé à l'ombre des patates.

Les succès:
Mais les fèves ont tout de même été un succès car, bien que celles sur l'obélisque n'aient pas grandit suffisamment pour me faire une bonne récolte, j'en avais planté ailleurs sur le terrain. Et la fraîcheur qui règne depuis le mois d'août a fait en soit que ces fèves ont séché sur le plant en plus grande quantité que les années précédentes où le temps est devenu très froid, très rapidement. J'aurai donc cette année une quantité plus grande de fèves déjà séchées versus une grande quantité de fèves fraîches que je dois congeler (comme c'était le cas l'an passé).
Voici la moitié de la récolte de patates. L'an passé, comme j'ai oublié quelques patates Norland dans le sol, ça m'a donné une récolte de deux couleurs cette année. Les Norland sont rouges et ont la chair blanche alors que les Golden Rush sont jaunes à chair jaune. Nous les avons utilisées en potage et en salade de patates.




Fraises traditionnelles dans le bol, 
fraises alpines sur la roche.

Les petits fruits ont très bien fait, quoique mon pêcher n'a fait que 3 fruits (il faudra dorénavant que je lui donne du fertilisant; le sol n'est apparemment pas assez riche pour une bonne fructification, détail attesté par 2 années de rien). Il est quand même à mentionner que les pêchers ont - comme certaines vieilles variétés de pommiers - l'habitude de ne faire une bonne récolte de fruits qu'aux deux ans, ou plus, dans le cas des pêchers
Par contre, la succession des petits fruits a bien fonctionné, commençant avec les fraises, suivies des amélanches et finissant avec les framboises (les pêches arriveraient pendant les framboises, ou un peu avant). En fait, "finissant" est un grand mot, car je cueille encore occasionnellement des framboises et des fraises alpines. J'ai, en fait, deux types de fraises dans le jardin: la fraise habituelle qui fait une bonne récolte de fruits au printemps seulement (pendant environ 3 semaines) et la fraise alpine qui fait des fruits au printemps et en automne. Comme on peut le constater sur la photo, j'ai une plus grande récolte de fraises traditionnelles, mais la fraise alpine m'a refait des fruits lorsque les températures ont à nouveau rafraîchi, vers le début septembre.
Les framboises dorées et les fraises alpines se côtoient en septembre.
(Deux petites fleurs de bourrache, comestibles, décorent ma présentation.)
 Je n'ai pas planté de cerises de terre cette année, mais des concombres et, finalement, j'ai réussi non seulement à en faire pousser avec succès, mais les plants m'en ont donné assez pour faire un pot de cornichons ! Pour réussir, j'ai mis toutes les chances de mon côté et j'ai planté les graines au sud (quoique avec un peu d'ombre) directement dans un sac de fumier de mouton. Le sac conservait très bien l'eau et la chaleur, la plante pouvait se hisser sur un cordon vers le haut et les résultats ont finalement dépassé mes attentes. C'est une belle victoire, moi qui essaie depuis au-dessus de 6 ans d'en faire pousser!
Un concombre dodu blessé par les froids de septembre complète une maigre récolte de tomates et quelques fraises alpines.

Les nouveautés et les surprises:
Bien que les surprises se fassent rares (ça fait quand même 6 ans et plus que je suis sur ce terrain), il y a eu de petits trucs dignes de mention.

D'abord, les petites créatures - insectes, mollusques, etc. - sont bien présents et deux en particulier semblent s'être bien établis dans le jardin. Le bourdon (première photo, avec une guêpe) et l'escargot.
Cette photo montre très bien les différences entre bourdon et guêpe.

Caché dans le coeur d'un hosta nain, cet escargot est loin d'être le seul  représentant de son espèce dans le jardin. À noter qu'il semble gros, mais qu'il est dans mon plant de Hosta nain, dit "Oreille de souris".

Plusieurs variétés d'hémérocalles ont fleuri sans pareil cette année, certaines parce  que, puisqu'elles ont été plantées il y a deux ans, elles ont pris le temps de s'établir, une que j'ai repositionnée et enfin une dernière qui a juste décidé donner son 110% !
Donnant son 110%, il s'agit d'une variété dont je n'ai plus le nom, d'une pépinière qui était spécialisée en hémérocalles et qui n'existe plus... Je les ai surnommées "les Demoiselles D'Honneur".
L'hémérocalle rouge vin, au fond, fleurit bien à chaque année. Quant aux deux variétés couleur crème à l'avant, qui sont vieilles de deux ans, elles ont vraiment fait des floraisons intéressantes cette année (qui iront en grandissant, j'en suis sûre).

Et finalement, je lui ai donné le surnom "Ange des jardins" ou "L'impératrice", elle aussi provient de cette pépinière disparue.
Et voici son histoire: 
Il était une fois une hémérocalle d'une grande beauté. Ses teintes de pêche et soleil, avec un soupçon de rosé sur des pétales de satin, lui donnaient les allures d'un ange des jardins. La propriétaire prit la malheureuse décision d'installer la plante entre deux cèdres. Quoique bien au soleil, les cèdres grandirent et grandirent et étouffèrent la pauvre hémérocalle. La première année, elle ne fit que 3 fleurs. La deuxième, qu'une seule. Les années qui suivirent, elle n'en fit plus. L'Ange des jardins avait disparu, ne laissant qu'une touffe de feuilles vertes faméliques à son endroit.

Et puis, l'an passé, la jardinière a enfin remarqué que sa belle hémérocalle était tellement triste qu'elle ne faisait plus de fleurs. Mais la jardinière avait une place toute spéciale pour elle et en deux temps, trois coups de pelle, l'hémérocalle eut un nouveau logis! Et cette année, pour célébrer, l'Ange des jardins est revenue en force, pavanant ses pétales comme les ailes d'un ange sur une quantité de fleurs sans pareil!
Fin


mardi 25 novembre 2014

Floraisons de la fin d'octobre dans mon jardin

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Louise :

Si vous avez la chance comme moi, d'avoir une demeure entourée d'arbres, vous pouvez profiter de la splendeur de leur feuillage automnal. 
Comparativement, les floraisons qui restent paraissent tout à coup beaucoup plus humbles, mais ceci ne veut pas dire qu'elles passent complètement inaperçues !


Pour vous faire découvrir ou vous rappeler quelques choix de plantes à floraison automnale qui s'offrent au jardinier québécois, je vous propose tout simplement une petite visite en images et je vous réserve finalement... une petite surprise florale !

Commençons notre visite par l'arrière de la maison, où on peut découvrir des asters roses vivaces cachées dans un recoin discret. Elles font contraste avec le feuillage bleuté d'un lupin indigo (Baptisia Australis), lui aussi vivace, les tiges rouge vif des nombreuses impatientes de l'Himalaya, des annuelles aussi appelées Balsamines de l'Himalaya (Impatiens Glandulifera), dont il reste une seule fleur rose pâle, et quelques fleurs de phlox blanc vivace . Sur la photo suivante, dans l'air humide du petit matin, on peut voir la floraison avancée des impatientes, dont les tiges commencent à rougir (cette photo a été prise un mois plus tôt). Les petites gousses vertes qui pendent aux tiges sont les capsules de graines, qui exploseront à la moindre provocation, les projetant dans toutes les directions.  On peut voir ce phénomène surprenant sur une très courte vidéo présentée par Wikipedia (le site anglophone) sous la rubrique "Description".                                                             

 


 Ce feuillage vert vif et très découpé est celui du géranium à Robert (Geranium Robertianum). Cette plante basse, annuelle ou bisannuelle, pousse très bien au Québec, en plein soleil comme à mi-ombre, et se ressème abondamment. Elle produit des fleurs roses durant toute la saison, du printemps aux gels importants. On peut en infuser les feuilles pour en faire une tisane particulièrement bonne pour la santé.
À cette période-ci de l'année, je laisse les feuilles mortes recouvrir entièrement mes géraniums à Robert, ainsi les feuilles de ces derniers restent bien vertes et vivantes sous leur protection. Jusqu'à très tard à l'automne, je pourrai sortir faire ma cueillette de feuilles fraîches, simplement en fouillant sous le tapis de feuilles mortes où le plant attendra ma visite, inattaqué par le gel.

Ces abondantes petites fleurs doubles, blanches au coeur jaune beurre, sont celles du Kalimeris Pinnatifida "Hortensis". Rustique jusqu'en zone 3, cette plante atteint 90 cm de haut (3 pieds), est de culture très facile et fleurit à partir du milieu de l'été pendant facilement trois mois et plus,  même à mi-ombre, quoiqu'en de telles conditions, les tiges ont tendance à s'affaler, comme c'est le cas chez moi. Les fleurs se moquent des premiers gels. Cette plante a formé une talle assez grosse avec le temps, mais elle n'est pas envahissante, du moins, pas chez moi.


À votre gauche, ces fleurs ressemblant à de petites marguerites sont celles d'un cultivar de matricaire (Chrysanthemum Parthenium) dont j'ai perdu le nom. Plusieurs matricaires sont des vivaces éphémères capables de fleurir abondamment même à mi-ombre pendant une longue période, et aussi capables de se ressemer avec abandon. J'en ai déjà eu une à fleurs doubles qui fleurissait du tout début de l'été jusqu'aux gels d'automne. 
Celle qui habite maintenant mon jardin ne commence pas sa floraison avant la fin juillet et la plupart des plants laisseront faner leur fleurs un ou deux mois plus tard, mais parfois, un plant prendra son temps et sera encore en pleine beauté en octobre ! 

Rendons-nous maintenant en façade où le plein soleil permet des floraisons abondantes et spectaculaires même en automne.
Commençons tout de même par une vivace plus discrète. Ici, j'ai eu la surprise de découvrir un plant de mauve (Malva moshata faisant encore l'effort de fleurir dans un recoin négligé du jardin. C'est que je l'avais taillé après sa floraison estivale pour éviter la dispersion de ses graines. Les feuilles et graines de Mauve sont comestibles et je les ajoute occasionnellement à nos salades. Comme la photo a été prise très tôt le matin, les fleurs ne sont pas ouvertes.


Sur la photo ci-haut, jetons un coup d'oeil à une de mes plates-bandes en façade, tout près du trottoir, en fait. C'est un grand plant d'aster de Nouvelle-Angleterre (Aster Novae Angliae ou Symphyotrichum Novae Angliae, cultivar "Alma Potschke"), une belle vivace qui vole la vedette avec ses fleurs rose électrique. Si les couleurs de plusieurs cultivars d'asters sont très vibrantes (blanc pur ou violet vif, par exemple), d'autres présentent une palette de teintes pastel. Quand l'espace est suffisant, associer des plants de différentes couleurs dans la même plate-bande peut s'avérer du plus bel effet. Certains cultivars ne mesurent qu'une quinzaine de centimètres de haut et ont un comportement de couvre-sol. J'en ai des blancs, mais leur floraison s'est achevée quelques jours avant que je prenne ces photos. D'autres cultivars font 60 cm (2 pieds) de haut et d'autres encore peuvent atteindre une circonférence assez imposante et une hauteur de plus de 90 cm   (3 pieds), comme c'est le cas sur la photo ci-haut. Au pied de mon plant d'aster, les rudbeckies ont terminé leur floraison, mais j'ai laissé en place leurs tiges desséchées supportant les coeurs noirs composés des graines de la plante. Si les oiseaux manquent de nourriture à la fin de l'hiver, ils viendront les dévorer. Mais il y aura forcément des graines qui tomberont au sol et formeront un tapis plus ou moins dense de nouveaux plants. Autrement dit, je risque fort de me retrouver avec trop de plants pour mes besoins...

Mon plant d'aster de Nouvelle-Angleterre se trouve dans une plate-bande en façade, tout près du trottoir. Or, je vous avais présenté cette même plate-bande dans cet article sur les bulbes printaniers. Je me permets ici de reproduire deux photos parues dans l'article en question, pour que vous puissiez comparer ce même endroit à trois moments différents.



Première photo : nous sommes au début d'avril.

Ici, j'ai planté mes crocus par
talles de couleurs différentes
dans une plate-bande près du
 trottoir. Ils sont si hâtifs qu'ils
 sont en fleurs avant même que 
le gazon environnant ait eu la chance de reverdir !



Comme vous le voyez, il est impossible de deviner la présence du plant d'aster. Ses premières tiges ne se sont même pas encore pointées. 
                      
                                                                                            
Deuxième photo, même endroit, mi-mai.
Les fleurs de crocus ont fané. Il reste leur
longues feuilles effilées, couchées en
avant-plan. En bleu, des petits
muscaris au parfum merveilleux.
On voit aussi la grosse feuille d'une
tulipe tardive qui ne fleurira 
qu'en juin. Au fond, des narcisses 
céderont leur place à des bulbes 
d'ail géant en juillet.

Cet été, toujours dans cette même plate-bande, cinq variétés d'hémérocalles se sont succédé de la mi-juin à la fin septembre (malheureusement, je n'ai aucune photo à vous présenter de cette période). Quant aux rudbeckies hirta, elles ont commencé leur floraison vers le 20 juillet, si je me souviens bien. Quelques échinacées roses se sont jointes à elles. Rien d'exotique, comme choix de plantes, mais mon objectif d'obtenir des floraisons continues n'en a pas moins été atteint.  




Sur cette troisième et dernière photo, toujours de la même plate-bande, je vous présente ce qui, pour mon jardin, était un bonus inattendu : lors du verglas de décembre 2013, ma talle d'asters de Nouvelle-Angleterre, brunie et séchée, s'est transformée en fragile sculpture de glace pendant quelques jours.

Hémérocalle Final Touch.
Un peu plus près de la maison, la toute dernière variété d'hémérocalle à fleurir, cette année (elle était encore en fleurs en début novembre, en fait), est le cultivar "Final Touch". Mais c'est la première fois qu'elle fleurit si tard. Elle a produit de nombreux boutons floraux sur des hampes qui dépassent 120 cm de hauteur (4 pieds). C'est sa cinquième année à cet endroit exact. D'habitude, c'est "Autumn King" qui rend les armes le dernier. Ce cultivar très haut donne des fleurs jaune vif. Il bat "Autumn Blaze" (fleurs rouges sur tiges de 60 à 80cm) et "Bitsy" (fleurs jaunes sur tiges de 90cm) qui est d'ailleurs un des parents de la fameuse "Stella de Oro". Tous ces cultivars fleurissent très longtemps (deux ou trois mois) - Bitsy, pour sa part, est remontante, c'est-à-dire qu'elle fait deux à trois périodes de floraison par année, dont la première arrive très tôt dans la saison. Plusieurs cultivars d'hémérocalles qui fleurissent à l'automne ont le défaut de ne pas ouvrir parfaitement leurs fleurs par temps froid. "Final Touch" ne fait pas exception. Mais lors des journées plus douces, le spectacle de ses grandes fleurs bicolores vaut vraiment le coup d'oeil. Leur teinte peut d'ailleurs varier de façon assez importante, suivant la température. Elles sont parfois rose assez vif, comme sur cette photo, et parfois, elles tireront sur l'orangé.

Je laisse souvent plusieurs plants d'asters sauvages fleurir parmi mes plantes "plus civilisées". Ces friponnes se sont invitées chez moi sans permission il y a plusieurs années. J'ai un faible pour leurs petites fleurs blanches ou bleu poudre. Mais elles me menacent constamment d'envahissement, car ce sont des vivaces qui produisent des graines en quantités phénoménales. Je dois donc être vigilante et couper les têtes florales dès que les fleurs se sont fanées.



Cette talle de chrysanthèmes "Mary Stoker", que je vous avais déjà présentés dans un article précédent, n'a rien à envier aux asters que je vous ai présentés plus haut. Ici, ces fleurs orange brûlé font équipe avec les orpins (Sedum Spectabilis) qui sont en avant-plant à gauche et dont les caboches florales ont une couleur rousse. Notez aussi les nombreuses petites sphères noires des coeurs de rudbeckies, juste derrière les orpins. En arrière-plan, encore à gauche, voici la plante mystère que je voulais vous montrer : son feuillage est gris-bleu et ses fleurs sont d'un jaune très pâle. C'est... 


... un plant de brocoli que j'ai laissé monter en fleurs, parce que j'ai attendu trop longtemps avant d'en récolter la tête, jusqu'à ce qu'il soit trop tard !


vendredi 26 septembre 2014

Qui a peur de planter des bulbes dans son jardin ?

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Louise
La toute première floraison printanière : un 
bulbe de perce-neige. Fin mars ou début avril,
selon l'hiver. Cette plante ne se multiplie pas 
chez moi. Elle m'est d'autant plus précieuse.
Établir un jardin de vivaces qui offrira une succession ininterrompue de fleurs, du dégel printanier pratiquement jusqu'aux premières neiges, n'est-ce pas le rêve de bien des jardiniers?

Pour atteindre ce rêve, il faut mettre à contribution les bulbes printaniers, car ils donnent les fleurs les plus hâtives et, en général, elles sont très colorées. Or, quand on fait exception des tulipes, qui fleurissent surtout en mai, on n'en voit pas si souvent dans les plates-bandes. Je me suis toujours demandé pourquoi. En me fiant à mon propre vécu, j'ai l'impression que plusieurs jardiniers, connaissant mal ces plantes, se laissent intimider. Mais je me trompe peut-être. 

Hélène
D'autres facteurs peuvent entrer en jeu. Par exemple, à l'automne, il est possible que cette tâche n'arrive pas en tête de liste, par manque de temps, ou parce qu'on n'a plus le goût de jardiner, surtout en sachant que la récompense ne viendra que 6 mois plus tard. Ça peut aussi paraître un investissement substantiel - il en faut quand même une certaine quantité pour démarrer, ce qui fait que la facture peut sembler trop importante, d'autant plus si le budget "jardin" a déjà été englouti et souvent même dépassé à cette date. 
La tulipe Chansonnette Triomphe est très grande et garde son immense fleur pendant plusieurs semaines. En fait, c'est vraiment impressionnant ! De plus, elle est très tardive (remarquez que les feuilles du tilleul sont déjà bien déployées), Elle fait partie de ces plantes phares chez moi. On ne peut s'empêcher de la voir dans toute sa splendeur, formant un anneau de beauté autour de mon petit tilleul.
Louise
Voici un gros plan de mes crocus "Ruby Giant"
à l'arrière de ma maison. Cette plate-bande est
ombragée par les arbres en été, mais en avril
leurs feuilles ne sont pas sorties et les crocus
ont tout le soleil pour eux seuls.
Pour ma part, je peux parler de mes propres réticences à planter des bulbes, dans l'état d'esprit où je me trouvais il y a quelques décennies. J'ai fait connaissance avec ces plantes après l'achat de notre première maison, lorsqu'au premier printemps dans notre nouvelle demeure, j'ai vu apparaître des feuilles effilées d'un vert rafraîchissant, tout contre le mur de béton des fondations. Ça s'est suivi par de belles fleurs jaune vif: des crocus, un régal pour mes yeux affamés de couleurs. Mais à cette époque, j'ignorais leur nom et je ne savais même pas que c'était des bulbes. Je ne devinais donc pas encore combien les bulbes printaniers pouvaient être précieux dans un aménagement. Obstacle numéro un, donc, mon ignorance. 

Le coloris des bulbes printaniers a de quoi satisfaire tous les goûts, car il comprend aussi bien les couleurs très vives que les teintes pastel les plus délicates. Ici, chionodoxes roses poussant à travers un tapis de couvre-sol variés.
Puis un jour,  je suis revenue à la maison avec une revue de jardinage sous le bras, à cause de la photo de couverture, une superbe talle de crocus jaunes et violets en mélange.
Mais c'était encore insuffisant pour me donner l'impulsion d'acheter de nouvelles variétés. Je n'aurais pas non plus osé multiplier les bulbes que j'avais déjà. J'aurais eu bien trop peur que cela les fasse mourir! Et puis, comment m'y serais-je prise alors que toute trace de mes crocus s'effaçaient quelques semaines à peine après leur floraison ? Obstacle numéro deux: ces satanées plantes disparaissent mystérieusement dès que leur feuillage se dessèche.

À l'achat de notre deuxième maison, pas de crocus dans le jardin. Seulement une talle de feuilles de tulipes qui n'a donné qu'une seule fleur. Tristesse. Je m'étais découvert un manque que je n'avais pas soupçonné jusqu'alors. Je me suis mise à lire tout ce que je trouvais sur le sujet des bulbes printaniers, rêvant de taches lumineuses écloses parmi la végétation brunie de mes quelques plates-bandes de l'époque. Je m'étais abonnée à un catalogue de plantes vivaces que j'avais reçu au printemps. Puis, j'ai reçu de la même compagnie, sans l'avoir demandé, le catalogue d'automne, qui présentait une impressionnante collection de bulbes.
Ce qui m'a confrontée à mon obstacle numéro 3: devoir planter ces bulbes en plein automne me paraissait un tour de force. Comment mettre en terre ne serait-ce qu'un de ces merveilleux bulbes à travers la végétation touffue de mes plates-bandes débordantes ?
Le rêve d'un printemps fleuri était pourtant si vif que, d'une main tremblante, le premier bulbe fût planté, malgré les nombreuses peurs qui m'assaillaient: 
la peur que les bulbes et les plantes voisines se nuisent mutuellement, l'emplacement choisi, le nombre de bulbes à mettre dans chaque trou, la profondeur et la distance entre chaque petit oignon... Mais un petit sac de bulbes après l'autre, la tâche devenait plus facile, la main tremblait moins, les peurs se taisaient. 
Chez Hélène, un anneau de narcisses autour d'un arbre amène couleur et gaîté. Plusieurs variétés se multiplient spontanément, comme ces Original Poet's, une variété patrimoniale.

Le printemps suivant, mes plates-bandes ont été colorées de quelques taches très hâtives, comme souhaité. Je vous partage ici quelques trucs et informations que j'ai découverts avec le temps et que je considère importants :

Pendant que le chat n'est pas là, les souris dansent. Autrement dit, les bulbes printaniers sont des plantes qui profitent d'un grand vide dans la nature, mais ce vide dure très peu de temps. En effet, au printemps, la végétation met un certain temps à se réveiller, puis elle prend un certain temps pour pousser. Les bulbes printaniers sont des petits vites qui se dépêchent de pousser, fleurir et refaire leurs énergies pendant qu'ils ont du soleil, de la pluie et de la place. Ils peuvent aussi profiter de toute l'attention des insectes pollinisateurs. Puis, ils disparaissent avant que d'autres plantes viennent leur ravir cet espace, cette pluie et ce soleil. Tout le reste de l'année, ils se font oublier, car ils sont retournés à un état de dormance prolongé. 
Plus les espèces de bulbes sont hâtives, plus elles sont petites et basses, car elles disposent de très peu de temps pour amasser l'énergie nécessaire afin de grandir et de réaliser tout leur cycle de vie active. Nous autres, jardiniers et jardinières, pouvons tirer profit de ce jeu de chaise musicale en faisant fleurir des bulbes exactement là où apparaîtront d'autres plantes plus tard. 
 
Nous sommes au début d'avril.
Ici, j'ai planté mes crocus par
talles de couleurs différentes
dans une plate-bande près du

 trottoir. Ils sont si hâtifs qu'ils
 sont en fleurs avant même que 
le gazon environnant ait eu la
chance de reverdir !


Même endroit, mi-mai. Les
crocus ont fané. Il reste leur
longues feuilles couchées en
avant-plan. En bleu, des petits
muscaris au parfum merveilleux.
On voit aussi la grosse feuille d'une
tulipe tardive qui ne fleurira
qu'en juin. Au fond, des narcisses

céderont leur place à des bulbes 
d'ail géant en juillet.































Pour maximiser les floraisons dans un espace restreint, on peut planter différentes espèces de bulbes dans la même fosse de plantation. Il s'agit de regrouper des espèces qui ont des hauteurs différentes ou mieux, des temps de floraison différents, comme le démontrent les deux photos précédentes. Par exemple, les crocus fleurissent fin mars, début avril. Les narcisses, fin avril, début mai, pour la plupart. Les variétés tardives de tulipes fleurissent seulement à la fin mai et même au début juin. C'est le cas des tulipes de Darwin et des tulipes Perroquet, entre autres. Dans la catégorie des bulbes à floraison petite et basse, les muscaris sont parmi les derniers à se pointer, autour de la mi-mai et jusqu'au début juin.

Il est plus facile d'installer des bulbes au moment de la création d'une nouvelle plate-bande. Il suffit de s'y mettre au début de l'automne plutôt qu'au printemps. C'est plus facile de planter les bulbes et les plantes voisines pratiquement au même moment, car on y voit plus clair pour disposer chacun à sa place.
Pushkinias bleu ciel, tout délicats, poussant au
travers d'un couvre-sol de petites pervenches. 

Les bulbes printaniers ne peuvent être dérangés que durant leur période de dormanceC'est-à-dire quand leurs feuilles ont bruni et sont complètement mortes. Si vous avez donc à déplacer des bulbes, vous devez leur laisser faire leur floraison, puis attendre que leurs feuilles brunissent. Ces feuilles qui restent vertes pendant quelques semaines après la floraison accumulent de l'énergie pour la future floraison. Si vous coupez les feuilles peu de temps après la floraison (pour déplacement du bulbe ou par esthétisme, par exemple), vous coupez court cette recharge et mettez en péril la floraison subséquente, car les bulbes risquent de mal supporter qu'on leur nuise pendant cette période cruciale pour eux. Mais si vous avez bien positionné vos bulbes par rapport aux autres plantes vivaces, ces dernières pourront graduellement cacher le feuillage jaunissant de vos bulbes.
Les vivaces qui grandissent lentement et forment sagement une talle bien délimitée sont des voisins idéaux pour les bulbes, puisqu'il laissent un espace autour pour creuser sans massacrer leurs racines. De plus, si leurs feuilles s'étendent largement dès le début de l'été, elles cacheront les feuilles jaunissantes des bulbes. Les hostas sont par exemple d'excellents voisins pour les bulbes. 
Bulbes vivaces rustiques et plantes annuelles ne font pas bon ménage. Une plante annuelle, par sa définition, doit être arrachée et replantée chaque saison. Il est facile d'abîmer les bulbes qu'on ne voit pas par un coup de pelle mal placé ou par un dérangement intensif du sol, ce qui est requis pour la préparation du site de plantation des annuelles. Donc, il faut éviter de planter ces deux types de plantes trop près l'un de l'autre.
Fleurs de jacinthe en rose et violet et des tulipes très hâtives en jaune pâle chez Hélène. La jacinthe est une des fleurs les plus odorantes. Une à deux branches est suffisant pour parfumer une pièce.

Les tulipes botaniques "Tulipa Tarda" se 
multiplient avec allégresse chez moi. J'ai 
acheté 10 bulbes il y a 15 ans, de quoi former une 
seule talle. Maintenant, j'en ai 6 ou 8 talles qui 
s'étendent d'année en année. Je n'ai eu qu'à

semer les graines qui se forment dans des
 capsules après la floraison.
Pour s'éviter du travail et des coûts, il vaut mieux choisir des bulbes qui ont tendance à se multiplier. J'adore le parfum des jacinthes et la beauté des tulipes perroquets, mais je n'en achète pas, car chez moi, ces bulbes ont toujours rapidement dégénéré. Les jacinthes sont les pires, car dès la deuxième année, leur floraison est décevante. Ça dépend bien sûr de l'emplacement: chez Hélène, les jacinthes arrivent à se multiplier. Quant aux bulbes estivaux, comme les dahlias et les glaïeuls, ils ne sont pas rustiques. Il faudra donc les sortir de terre en automne et les entreposer pour l'hiver, pour ensuite les replanter au printemps, ce qui est tâche hardue à refaire chaque année, mais qui pourrait très bien fonctionner dans une plate-bande d'annuelles.
À gauche, 2012. À droite, 2013. Comme quoi, certains bulbes se multiplient sans se faire prier.

Par contre, il existe une foule de bulbes qui se multiplieront et reviendront en force l'année suivante, donnant de plus en plus de fleurs à partir de talles de plus en plus grosses. Chez moi, c'est le cas des crocus, scilles, chionodoxes et muscaris. Les narcisses, dont font partie les jonquilles, se feront aussi graduellement plus nombreux (quoique les talles passent parfois par une multiplication de petits bulbes qui ne donneront pas beaucoup de fleurs avant plusieurs saisons). Les tulipes de jardin, qui portent le nom latin Tulipa Gesneriana, et dont l'origine se perd dans la nuit des temps, ont des hybrides de toutes les formes et couleurs, mais plusieurs de ces hybrides ne donneront que de la feuille dès la deuxième année. Les tulipes dites botaniques, c'est-à-dire toutes les espèces de tulipes sauf la tulipe de jardin, sont appelées ainsi parce que, contrairement aux tulipes de jardin, on peut retracer leur origine à l'état sauvage. Elles sont souvent portées à se multiplier si elles sont heureuses là où on les a plantées. Chez moi, c'est le cas des Tulipas Greigii, par exemple. J'ai maintenant plusieurs talles de Tulipa Tarda, car je les laisse monter en graines que je ressème ailleurs lorsque les cosses sont bien sèches. Les tulipes de Darwin reviennent avec tant de fidélité pendant de nombreuses années que certains catalogues les vendent comme des tulipes "vivaces". 
À l'opposé, plusieurs hybrides de tulipes de jardin commencent à s'affaiblir dès la deuxième année.
Hélène : Une petite tulipe qui était supposée être bleue (on m'a vendu les mauvais bulbes), mais qui est néanmoins fabuleuse: elle est la plus hâtive de toutes, faisant plusieurs fleurs sur le même bulbe et fleurissant en même temps que le chionodoxe mauve vu à ses côtés.

Chez Louise, tulipes botaniques "Tulipa Bakeri" poussant à travers une talle de phlox rampant. Les deux floraisons forment un effet ton sur ton. 

Hélène:
Ces gros pompons élancés à 3 pieds du sol par une tige fluette ajoutent une touche féérique au jardin de juin. Après la floraison qui dure quand même quelques temps, mon fils a eu un malin plaisir à jouer avec ce bâton d'où pendait une tête lourde de graines. Un bâton de magicien sans égal!
Étant bien aguerrie avec les bulbes printanniers, je me suis lancée à l'aventure avec les bulbes d'été (enfin, début été), ceux d'oignons décoratifs. Et bien que deux d'entre eux m'ont été chippés par des lapins, le spectacle est magique, surtout pour les petits, donnant au jardin l'impression qu'il est envahi par de grandes bulles de savon flottantes. Qui plus est, ces alliums se retrouvent sous plusieurs formes, couleurs et grandeurs. 

Et maintenant, avec autant de possibilités, plongerez-vous, vous aussi dans l'aventure des bulbes?
De l'Artemise (Artemisia Schmidtiana 'Silver Mound'), des fraises et de la bugle rampante (Ajuga Reptans) émergent les tiges des Alliums. Même le hosta géant en avant-plant ne peut rivaliser en hauteur!

Louise : Pour des conseils judicieux sur la méthode de plantation des bulbes et sur leurs conditions de culture, je vous réfère à l'article de Larry Hodgson.